Cette affaire avait bouleversé d’abord l’arrondissement, puis le pays tout entier, au tout début de 1914.
Révélation par la presse
Le dimanche 25 janvier 1914, la Gazette de Cambrai annonçait « qu’une empoisonneuse a fait, par cupidité, deux victimes ». Bien vite, d’autres périodiques qualifièrent la personne concernée « d’empoisonneuse de Clary ».
Qui était cette personne ?
Il s’agissait d’Octavie, Lætitia Lecompte, surnommée « la folle » par des gens du village qui mettaient ça sur le compte de l’agression sexuelle dont elle aurait été victime à quinze ans. Cette femme était née le 12 février 1879 à Clary. Sa famille qui cultivait la terre, était honorablement connue jusqu’à la mort de la mère de famille en 1910. Pour faire face à ses emprunts, Albert Lecompte, le père, dut hypothéquer la ferme. Octavie, demanda alors le partage des biens avec son frère Jules qui avait quitté la ferme bien avant 1910.
Deux décès, dans la famille Lecompte, en huit jours !
Le mercredi 14 janvier 1914, vers 8 heures, le père de famille, âgé de 60 ans, décéda brusquement, après une très courte agonie. Le médecin attribua cette mort à une congestion pulmonaire provoquée par le froid vigoureux de ce début d’hiver.
Le mercredi 21 janvier 1914, il y eut un deuxième décès. Il s’agissait cette fois du fils Jules, âgé de 33 ans, qui était venu à la ferme à l’occasion du décès de son père. Le docteur observa les mêmes symptômes que la semaine précédente. C’en était trop pour le praticien qui refusa le permis d’inhumer et prévint le maire qui avisa aussitôt le Parquet.
Le juge de paix Jules Waxin fut chargé de l’affaire. Ce dernier apprit ainsi que la prénommée Octavie, âgée de 35 ans, avait demandé au domestique d’aller chercher 300 grammes d’arsenic chez le vétérinaire à Maretz. Rapidement, le juge reçut les aveux complets de la fille. Elle expliqua : « Mon père rudoyait mes enfants. Il me bousculait pour m’obliger à travailler. Mon frère, quant à lui, voulait me dresser. Alors, j’ai empoisonné l’un et l’autre… »
Devant la Cour d’assises de Douai
Pour avoir « administré des substances pouvant entraîner la mort à son père légitime, ainsi qu’à son frère », Octavie Lætitia Lecompte fut renvoyée devant la Cour d’Assises. Son procès eut lieu le lundi 4 mai 1914.
Devant la cour, l’accusée répéta tout ce qu’elle avait déjà avoué au juge de paix. Puis expliqua : « Mon frère Jules, qui est revenu à la ferme le 14, à la mort du père, m’a reproché de ne pas l’avoir prévenu de la maladie de notre père. Mais celui-ci ne voulait plus le voir depuis le décès de notre mère. Le 17, nous avons eu une vive discussion à propos d’une armoire fermée à clef et il m’a assuré qu’il était désormais le maître ici et qu’il allait me dresser. Dès la fin de l’enterrement, à ma fille Zoé qui pleurait d’avoir perdu son grand-père, je lui ai affirmé que dans huit jours, elle aurait un plus gros chagrin encore ». Octavie détailla ensuite la procédure suivie pour empoisonner ses proches : « J’ai mis de l’arsenic dans le café au lait ».
La peine capitale ?
L’expert assura qu’Octavie Lecompte était pleinement consciente de ses actes. L’avocat général mit ensuite en exergue les dépenses exagérées d’Octavie et réclama l’application ferme de la loi prévue en cas de parricide. La cour d’assises suivit ce réquisitoire. Un pourvoi en cassation, introduit le 7 mai, fut rejeté le 29 du même mois. L’exécution était prévue à Cambrai.
La grâce présidentielle
Les deux enfants de la condamnée firent une lettre qui attendrit Raymond Poincaré, président de la République. Et le jeudi 13 août 1914, le premier personnage de l’État commua la peine en travaux forcés à perpétuité. Les avocats d’Octavie firent plusieurs demandes de remise en liberté. La dernière, celle du 31 janvier 1944, fut la bonne pour Octavie qui, ayant déjà obtenu des réductions de peine, fut finalement libérée le lundi 9 juillet 1945 pour « très bonne conduite en prison ». L’intéressée serait décédée en 1948 en Eure-et-Loir.
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